Cinquantenaire de mai 68 sous l'angle poétique

En cette année 2018 un demi- siècle vient de s’écouler depuis les événements de Mai 68 en France.

Pour ceux d’entre nous qui avons vécu ce moment particulier, le souvenir reste vivace d’un mouvement si riche et si complexe à analyser.

Pour ma part, je me limiterai au domaine poétique et littéraire.

La poésie s’appropriait la rue, les murs, sur des affiches qui affirmaient que le « vieux monde était derrière nous », « soyez réalistes, demandez l’impossible ! », qu’il « était interdit d’interdire » et même sur le plan écologique « la forêt précède l’homme, le désert le suit »…

Irruption de l’imaginaire qui investit le champ social et culturel.

Exploration d’une parole qui s’affranchit des convenances, création d’images fortes qui font sauter les carcans pour permettre au bouillonnement intellectuel de s’écouler comme la lave d’une irruption volcanique.

Léo Ferré, Claude Nougaro, Catherine Ribeiro, Colette Magny parmi tant d’autres ont chanté de magnifiques poèmes sur Mai 68.

Jacques Prévert écrit un très beau poème intitulé « Mai 68 ».

La poésie se sent bien dans la transgression qui lui permet d’exprimer des émotions ressenties en toute liberté, loin des convenances habituelles.

Pendant un moment elle a retrouvé les pas de Villon, d’Arthur Rimbaud pour s’autoriser toutes les audaces en matière de créativité.

Bien des choses ont déjà été dites sur le romantisme révolutionnaire de Mai 68.

Il faut se replacer dans le contexte de l’époque :

La guerre du Vietnam fait rage. En janvier 1966 les bombardements américains sur le Nord Vietnam s’intensifient. Le président Johnson décrète la conscription obligatoire qui touche les étudiants. 27 millions d’américains sont en âge d’être mobilisés et la révolte éclate dans les campus. Une grande partie des jeunes ne veulent pas aller faire une guerre qu’ils ne comprennent pas. Rien ne menace en réalité les États-Unis.

Tout au long de l’année 1967 les affrontements entre les étudiants et la police dans les campus universitaires américains sont extrêmement violents et choquent l’opinion internationale car transmis par toutes les télévisions du monde entier.

En Europe des manifestations contre la guerre du Vietnam se déroulent à Berlin, Londres, Rome puis Paris.

C’est l’une des raisons pour lesquelles les événements de Mai 68 à Paris prendront une coloration militante qui verront les groupes d’extrêmes gauche et libertaires investir la Sorbonne et faire revivre les idéaux marxistes, drapeaux rouge et noir en tête.

Aux USA un nombre important de jeunes refusent la conscription, et vont renforcer le mouvement hippy, « peace and love ». Sur le plan poétique, Bob Dylan, Joan Baez, Jimmy Hendrix parmi d’autres avec leurs « protests-songs vont connaitre une grande renommée.

Dans ce contexte international tendu, le mouvement de Mai 68 en France exprime à la fois une protestation culturelle contre la civilisation industrielle productiviste et consumériste dominant tout, et un désenchantement face aux contradictions d’un monde moderne dans lequel tout une partie de la jeunesse ne se retrouve pas.

Le mouvement de mai 68 va être porteur pendant quelques semaines d’un espoir utopique et de rêves surréalistes.

« L’imagination au pouvoir » revendiquée ne constitue-t-il pas ce souffle fort qui inspire finalement tout poète ?